“Une toile de Pierre Godet se reconnait entre cent.
Si, parcourant un Salon, vous remarquez un paysage qui vous suggère immédiatement la fraîcheur d’un sorbet et la chaleur du soleil, ne vous égarez pas, remontez à cette source»…
Il n’y a, dans les deux sensations que je signale, qu’une apparence d’opposition. Elle n’hésite que dans les mots car l’art intuitif de ce coloriste consiste à diffuser également la lumière sur l’étendue de sa toile. Sous un ciel parfois chauffé à blanc, les terrasses ou les places s’offrent comme les refuges du bonheur ; et soudain, voici que la tiédeur de l’air rompue par des notes allègres, voire acidulées, le rouge d’une toile de tente, une flamme verte ou jaune, un fauteuil blanc… Il y a de la malice, du plaisir et beaucoup de talent à ces jeux contrastés.
Que Pierre Godet se souvienne que tout est écriture, la couleur aussi bien que le trait. Il appartient à la race des dessinateurs amoureux de tout spectacle dans la seconde où il se produit, et qui le captent en toute simplicité au coin de la rue. Qu’il ne méconnaisse pas le meilleur de lui-même, on le trouve dans les œuvres aux mises en pages hardies, superbes d’aération, sachant découvrir le motif et jouer avec lui, prendre de la distance, ce qu’il faut, c’est ne rien dire de superflu. Il a tous les atouts en main pour risquer cette partie.
J’attends de notre peintre qu’il nous dise beaucoup de choses nouvelles, à sa manière qui est concise, posée et prompte à la fois. qu’il nous les dise, sans redondance ni effet : rien qui soit forcé ou facile. Lui qui a reçu ce pouvoir, cette grâce ? -, qu’il fasse que les choses soient là, sous nos yeux, comme elles sont venues. D’où cela ? de la nature ? Mais il suffit qu’elles soient choses de la nature et le charme infaillible du vrai opérera.”
François BERGOT – Conservateur en chef des Musées de France